La ChUte du MUr ou ma RUSsie RetrOUvée, 2013

Travail présenté à la Saligue aux artistes, Ragny, Savigny-Terre- Plaine (89), juillet 2013.

Pigments, acrylique sur papier, papier calque, mine de plomb, ficelle, 220 x 270 cm.

Photo de Sergéi Mikhailovitch PROCOUDINE-GORSKY (1863-1944)

photographe missionné par le dernier Tsar de Russie, début XXème.

Photographies conservées à la Bibliothèque du Congrès, Washington, USA.

Certaines sont visibles sur <loc.gov/exhibits/empire/>

Issue d’une famille émigrée russe, j’ai grandi dans une forme de nostalgie de la Russie.

L’histoire familiale n’était délivrée que par bribes, tout était flou pour moi enfant, les noms, les lieux, les dates… Je m’imprégnais de la souffrance seule, muette, malgré tout exprimée en dehors des mots, des plus âgés. Les regards, les yeux mouillés, les tons de voix qui changeaient…

Il me reste certaines images, certains mets, une fête religieuse, quelques souvenirs, la voix de ma grand-mère parlant russe et un « manque » grandissant avec le temps, s’accentuant avec la disparition de ma tante puis de mon père.

Une émotion immense me submerge quand j’entends des chants traditionnels ou quand mon amie Irina me parle sa langue natale.

Le Mur de Berlin représentait pour moi cette séparation figée, ce nœud, cette frontière indestructible. La Russie, terre de mes racines, restait ce territoire impossible à atteindre.

Quand le mur est tombé, j’avais 22 ans. J’étais dans une autre vie qui m’a aspirée et recrachée depuis.
Je me rappelle de mon émotion quand, incrédule, sous le choc, j’ai vu ces images, à une télévision étrangère dont je ne comprenais pas les commentaires : cette foule devant ce mur qui cédait et la joie immense, les larmes… Plus rien ne pouvait désormais m’empêcher de retrouver la Russie.

En tout cas plus ce mur.

Le chemin a été long.
Aujourd’hui, j’ai 46 ans  et je pars en Russie, pour la première fois cet été, retrouver des membres de ma famille disparue.